C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ! - Michel Ricquier

C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas !

J’ai trouvé par hasard une petite vidéo sur YouTube qui est très drôle, mais surtout très intéressante !

Lorsque j’explique comment les informations sont engrammées dans le cerveau au fur et à mesure des apprentissages, j’utilise des allégories comme “la planche et les clous”, ou “la boule de pétanque et le tas de sable” pour bien faire comprendre la création et le renforcement des « liens neuronaux ».

Les neurosciences nous expliquent ceci...

Lorsque nous effectuons une action pour la première fois, nous allons créer une connexion au niveau des neurones dans notre cerveau frontal. Ce lien neuronal sera bien sûr très fin, très ténu, donc très fragile, mais qui sera renforcé à chaque fois que nous répèterons cette action.

C’est le même processus qui se produit lorsque nous rencontrons une nouvelle difficulté, dans n’importe quel domaine. Par exemple, lorsqu’un musicien travaille un passage difficile d’un concerto ou d’une étude, il crée dans son cerveau une connexion physique, un mince fil neuronal qui va lui permettre de reproduire ultérieurement cette action avec plus de facilité. À chaque fois qu’il rejouera ce trait, qu’il le retravaillera, il renforcera et consolidera cette connexion. Ce fil ténu, fragile, va donc devenir de plus en plus épais, solide et il sera ainsi transformé au cours de ce travail en une grosse corde robuste et résistante.

Cela se passera de la même manière pour n’importe quelle autre discipline : la danse, les activités sportives, les arts du cirque (jonglerie, prestidigitation, voltige…), le travail manuel etc. etc.

C’est ce qui s’est précisément passé par exemple lorsque nous avons appris à faire du vélo. Et une fois que ce fil neuronal est bien construit, solide, nous sommes capables de faire du vélo sans avoir à réfléchir à quoi que ce soit car toute la stratégie qui nous permet de rester en équilibre et d’avancer est devenue “automatique”.

Et c’est là que cette vidéo va être intéressante. Un inventeur, Barney, a fait une seule petite modification sur un vélo et a demandé à son ami Destin Sandlin de rouler avec cet engin. Destin faisait du vélo depuis très jeune ; à l’âge de 6 ans il avait gagné la coupe MacGyver.

Cette modification a consisté à installer un jeu d’engrenage qui faisait que lorsque l’on tourne le guidon du vélo à gauche, la roue tourne à droite et inversement.

Eh bien personne ne peut utiliser ce vélo sans perdre l’équilibre dès le départ.

Il a même offert $200 à la personne qui aurait pu rouler avec ce vélo très spécial pendant 3 mètres ; tout le monde pense y arriver… et pourtant, personne ne le peut.

Destin Sandlin s’est entraîné 5 mn tous les jours et après de nombreux échecs, il a réussi, en 8 mois, à dompter ce vélo tout à fait spécial. Il a fallu remplacer le lien neuronal (disons plutôt le “câble” neuronal) installé depuis son plus jeune âge par ce nouveau lien, jusqu’à ce que dernier soit aussi puissant que le précédent.

Mais Destin devait rester très concentré, sinon l’ancien lien reprenait la suprématie. À la moindre distraction (portable qui sonne dans sa poche ou autre), il chutait ! Mais il arrivait à utiliser ce vélo.

Il a demandé à son fils de 6 ans qui faisait du vélo depuis 3 ans (la moitié de sa vie) s’il voulait bien apprendre à utiliser ce vélo très bizarre. Destin voulait savoir combien de temps il faudrait à son fils pour dompter cet engin.

Et c’est au bout de 2 semaines que cet enfant a pu utiliser ce vélo sans problème : il a réussi en 2 semaines à obtenir les mêmes résultats que son père, alors que ce dernier a dû s’entraîner assidûment 8 mois avant d’y parvenir !

Il est clair qu’un enfant a une plus grande plasticité neuronale qu’un adulte ! Les liens neuronaux sont installés forcément depuis moins longtemps et sont donc plus fins, donc plus faciles à remplacer par de nouveaux.

Puis le père a décidé de reprendre un vélo “normal” pour voir s’il savait encore “faire du vélo”.
« Ça a été l’un des moments les plus frustrants de ma vie » dit-il.
Néanmoins il a pu le faire … au bout de 20 mn, le temps que le cerveau retrouve l’ancien lien, l’ancien algorithme.

Je vous laisse regarder cette vidéo, j’ai pensé qu’elle pourrait vous intéresser ! Revenez lire la suite après l 'avoir visionnée...

 


« Suivant l’une des lois fondamentales de la neuroplasticité, les neurones qui s’activent ensemble se connectent ensemble. Ceci explique pourquoi la répétition d’une expérience mentale, en renforçant les connexions synaptiques entre les neurones concernés, produit des changements structuraux à l’intérieur de ceux-ci.
       En pratique, à chaque fois qu’un individu apprend quelque chose de nouveau, plusieurs groupes de neurones se connectent les uns aux autres. (...)
       À chaque répétition d’une activité reliant plusieurs neurones, les signaux émis par ces derniers s’accélèrent et s’intensifient, augmentant l’efficacité du circuit et sa capacité à permettre la réalisation de la tâche en question. L’inverse est également vrai. À partir du moment où un individu cesse de pratiquer une activité sur une période assez longue, les connexions s’affaiblissent, et un grand nombre d’entre elles finissent par disparaître.
       Il s’agit là d’un exemple d’une loi plus générale de la plasticité selon laquelle « ce qui n’est pas utilisé s’efface ». Aujourd’hui, des milliers d’expériences ont prouvé ce phénomène. Souvent, des neurones impliqués dans une activité sont détournés et mis au service d’autres occupations mentales pratiquées de façon plus régulière.
       Et puisque les neurones qui entrent en activité de façon asynchrone ne se connectent pas entre eux, il est possible dans certains cas de manipuler ce principe qui veut que « ce qui n’est pas utilisé s’efface » pour défaire des connexions nuisibles. Imaginons par exemple une personne qui éprouve le besoin de manger à chaque fois qu’elle se sent perturbée émotionnellement.
       Parce qu’elle a associé nourriture et diminution de la douleur psychique, il lui faudra apprendre à les dissocier si elle veut se débarrasser de cette habitude. Cela passera par l’obligation de s’interdire l’accès à la cuisine en cas de contrariété jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un moyen plus pertinent de gérer ses émotions[1]. »

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[1] Guérir grâce à la neuroplasticité – Norman DOIDGE, Patricia LAVIGNE - Ed. Pocket

5 réflexions sur “C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas !”

  1. Très intéressés et interpellés par cette vidéo et les conséquences qui en découlent. Après relecture et réflexion nous ferons parvenir un commentaire plus élaboré.

  2. Bonjour Michel,
    Un très grand merci de nous faire profiter régulièrement de tes recherches, découvertes et réflexions. Nous sommes très fortement interpellés par la diffusion de la vidéo sur l’apprentissage du « vélo inversé ». Jamais nous n’aurions pu imaginer la force des connexions qui se rechargent encore à chaque exercice. De même, à l’inverse, la disparition de certaines habitudes ou gestes non répétés régulièrement pour quelque raison que ce soit. On se rend compte aussi que plus l’apprentissage se fait tôt, plus il est rapide et efficace. A chacun d’en tirer les conclusions qui s’imposent aussi bien pour les enfants que pour les adultes!
    En tout cas, Michel, nous te remercions encore de tout ce que tu nous envoies. Nous nous enrichissons de toutes ces publications que tu as la gentillesse de nous faire partager.
    Nous t’embrassons et encore une fois « BRAVO » et  » MERCI » Michel pour toutes ces richesses.

  3. Je vous remercie Monique et René pour ce sympathique commentaire qui me fait très plaisir.

    Je suis toujours très (trop) occupé mais je m’intéresse de plus en plus aux neurosciences, à l’épigénétique, à la plasticité cérébrale, à la médecine quantique… et je constate que des découvertes fabuleuses sont faites chaque jour. C’est un sujet passionnant !

    Et ce qui me ravit (excusez ce court moment d’autosatisfaction ?), c’est de constater que ce que j’ai enseigné depuis plus de 30 ans maintenant (oups ! Ça ne me rajeunit pas ça ?!) dans mes cours, livres, conférences, séminaires de formation et maintenant dans les vidéo-formations (concernant notamment “le travail intérieur“, le “travail en profondeur”, “la visualisation“ etc.) est maintenant démontré scientifiquement par ces neurosciences grâce aux appareils modernes d’imagerie médicale (scanner, IRM, scintigraphie etc.).

    Et je continue passionnément ces recherches avec beaucoup de plaisir !

    Merci encore pour votre commentaire.
    Bises à vous deux

  4. Bonjour Michel,
    Oui c’est vraiment très intéressant.
    Grand merci pour ce partage. A diffuser au plus grand nombre.
    Au plaisir de te recroiser cher Maître.
    Bises
    Thierry

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