En surfant sur Internet et en visitant plusieurs forums de musiciens, j'ai constaté à de nombreuses reprises que des personnes confrontées à des problèmes de trac demandaient de l'aide.
J'apprécie les gens qui donnent des conseils en toute sincérité en essayant d'apporter leur aide, mais j'ai imaginé ce qu'ont dû ressentir ces personnes qui souffrent du trac en lisant la grande majorité des réponses.
Je dois dire que c'est ce qui m'a vivement incité à écrire cet article pour préciser un paramètre fondamental, essentiel à la compréhension du problème.
Il faut différencier le "vrai" trac de ce que j'appelle le "petit" trac.
Ce qui ressortait le plus dans les réponses était :
- que le trac est inévitable,
- qu'il "faut faire avec",
- qu'on n'a pas le choix et qu'on finit par s'y habituer,
- voire que le trac est nécessaire car c'est cette émotion qui va nous permettre de nous surpasser,
- que les plus grands artistes, musiciens, comédiens... ont eu le trac toute leur vie et que cela ne les a pas empêchés de faire la magnifique carrière qu'ils ont faite,
- ... etc. etc. etc...
Et il est vrai qu'on a souvent entendu des artistes célèbres dire, après 20 ou 30 ans de métier, que le trac ne les a jamais lâchés et qu'à la longue, ils ont fini par s'y faire… avec le temps.
Et bien souvent, c'est à ce moment qu'est citée cette fameuse phrase de Sarah Bernhardt qui répondait à une jeune artiste qui se vantait de ne jamais avoir le trac : « Ne vous inquiétez pas mon petit, ça viendra avec le talent ! ».
Un jour, je faisais une conférence dans l'auditorium d'un grand conservatoire et sur la porte d'entrée était écrit en gros caractères : « Conférence de Michel Ricquier - Comment se débarrasser du trac ».
Je débute donc ma conférence et à peine avais-je commencé à parler qu'une personne au premier rang lève la main pour demander la parole.
J'étais assez surpris parce que, comme d'habitude, j'avais annoncé qu'il y aurait, à la fin de mon intervention, une plage questions/réponses, mais néanmoins, je m'interromps et je lui donne la parole.
Cette femme se lève et me dit, avec emphase :
« Monsieur, je suis cantatrice professionnelle et je ne comprends pas pourquoi vous voulez absolument nous débarrasser du trac ! Le trac m'est réellement nécessaire, voire indispensable, à moi comme à beaucoup d'artistes : c'est grâce à lui que ma prestation sera bien meilleure le jour de la représentation que lors des répétitions ! ».
Bon… Il est vrai que j'aurais pu lui répondre :
« Mais madame, si vous ne voulez pas vous débarrasser du trac, il ne fallait surtout pas entrer dans cette salle, puisque sur la porte d'entrée, il est précisément inscrit « Comment se débarrasser du trac ! »
Mais je ne lui ai bien évidemment pas fait cette réponse, je lui ai dit ceci :
« Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais nous ne parlons simplement pas de la même chose, nous ne parlons pas du tout du même trac !
Vous, vous parlez de la petite émotion qui fera que vous serez effectivement meilleure devant le public qu'à la répétition.
Moi je parle du vrai trac ! Ce trac qui provoque ces symptômes tellement désagréables (tels que les tremblements, les palpitations, la boule à la gorge, la boule à l'estomac, des douleurs abdominales, le manque de salive, les mains moites, la confusion mentale, les trous de mémoire... etc.) et qui vous font perdre 50, 60, voire 70 % de vos capacités !
Ce trac-là, il ne vous permettra certainement pas d'être meilleure, bien au contraire, et je doute qu'il y ait une seule personne au monde qui souhaiterait le conserver, ou le ressentir ».
Notre cantatrice est tombée d'accord avec moi.
Je suis absolument convaincu que les personnes qui subissent le "vrai" trac, ne s'y seraient jamais habitués, et je pense qu'ils n'auraient pas tenu le coup, ni psychologiquement, ni physiquement car leur organisme aurait trop souffert de subir ces modifications physiologiques de manière régulière pendant autant d'années.
Alors comme je le disais au début de cet article, si je me mets à la place des personnes qui souffrent du "vrai" trac et qui lisent ces messages affirmant qu'il faut s'y habituer, qu'il faut "faire avec", sachant pertinemment que cela est impossible !!! Il y a de quoi les décourager à tout jamais !
Loin de moi l'idée de critiquer les personnes qui ont fait cette réponse, ça partait d'un bon sentiment puisque c'est en quelque sorte leur vécu ; je les comprends et à leur place, j'aurais probablement répondu la même chose.
Mais voilà, le trac, le "VRAI" trac, je connais, je l'ai vécu, j'en ai terriblement souffert !
C'est un vrai problème, très frustrant, très dévalorisant, difficile à vivre, physiquement et psychologiquement.
Il est pour beaucoup la cause d'échecs répétés, il a été pour certains la cause de carrières ratées.
Même si, aux prix d'énormes efforts, on parvient à tricher suffisamment pour que le public ne s'aperçoive pas trop de notre mal-être, le plaisir que nous avons à être sur scène, pour interpréter de la musique, jouer la comédie, bref pour partager avec notre public disparaît totalement pour laisser la place à l'envie de partir en courant.
C'est ce que j'ai ressenti personnellement de nombreuses fois lors de prestations publiques.
J'ai des souvenirs terribles où, entre autres, lors d'une série de concerts dans lesquels je jouais une œuvre en soliste accompagné par un orchestre, j'avais déjà le cœur qui battait à plus de 120 pulsations/minute en entrant sur scène. Lorsque le cœur bat vite, la respiration est accélérée : essayez de jouer un concerto à la trompette en étant essoufflé avant même d'avoir commencé à jouer…
Je ne vous parlerais pas du vibrato ; j'avais les deux jambes qui tremblaient tellement que ce n'était plus un vibrato, c'était une espèce de chevrotement que j'essayais de cacher en me balançant (discrètement quand même) d'une jambe sur l'autre.
Si à cette époque on m'avait dit qu'un jour je ferai des conférences, que je participerai à des émissions de radio !
J'ai eu la chance et l'honneur d'avoir été invité par Gaëlle le Gallic sur France Musique pour présenter mes ouvrages, développer mes conceptions pédagogiques, lors de quatre émissions d'une heure chacune, puis ensuite dans d'autres radios locales également…
Mais jamais auparavant je n'aurais accepté d'aller « parler à la radio » ! J'aurais été incapable de dire deux mots, de répondre aux questions sans avoir la gorge nouée, sans avoir la peur panique de bafouiller, d'avoir des trous de mémoire !
Et à fortiori tout cela : POUR EXPLIQUER COMMENT NE PAS AVOIR LE TRAC, alors là, pour moi, on aurait été en pleine science-fiction !
Rien n'est plus frustrant, plus décourageant, que d'avoir beaucoup travaillé, de s'être préparé correctement, de savoir que l'on a les possibilités de réussir ... et de tout rater.
Frustrant de constater que le raisonnement, la volonté n'y font rien, que cela ne peut absolument pas être contrôlé, maîtrisé.
Vous vous êtes complètement investi(e) dans votre prestation (concert, représentation, examen, concours, compétition sportive etc.), vous l'avez préparée soigneusement, vous avez beaucoup travaillé pour être parfaitement au point...
Et voilà, le jour J, au moment de prouver ce que vous êtes capable d'accomplir, c'est une catastrophe ! À cause de ce maudit trac !
D'autres conseils, tels que la respiration, la relaxation etc., étaient également donnés dans ces forums, mais nous verrons dans un prochain article que ces méthodes, si elles peuvent être efficaces pour le "petit" trac, ne seront pas assez puissantes, pas suffisamment efficace pour le "vrai" trac !
Autres articles sur le trac :
Vaincre le trac, gérer le stress, la solution est en nous
Ce qui m'a amené à chercher et à trouver des solutions pour éliminer le trac
Bonjour, je connais vôtre traité pour la respiration, ça m’a beaucoup servi, et de toujours j’ai travaillé la respiration, j’ai même pratiqué le karaté pour me centrer sur le hara, je sais ce que c’est le trac, je l’ai toujours vaincu par la respiration, j’ai fait beaucoup de cérémonies, chaque fois qu’il fallait jouer la sonnerie aux morts j’avais le trac, vite maitrisé discrètement par la respiration abdominale que j’utilise tous les jours, pour moi c’est la base de la santé, j’ai 87 ans, je joue tous les jours depuis quelques années, je joue la méthode Jérome Callet je suis dans une grande formation basée sur le style Ray Conniff, je ne suis qu’un musicien amateur, pour moi la trompette c’est la santé; très heureux de vous lire,cordialement. Gérard Garrabé
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